Source : Anpeip Sud
D’une façon générale, les enfants précoces ont un développement hétérogène décrit par Jean-Charles Terrassier dans un ouvrage intitulé ” Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante” (Edition ESF, 4ième édition 1999) qu’il a nommé “Le syndrome de dyssynchronie”.
Celui-ci peut être décomposé en une “dyssynchronie interne” se situant au sein-même de la personne de l’enfant, ainsi qu’en une “dyssynchronie sociale” le conduisant à des difficultés spécifiques sur le plan de la relation avec l’environnement.
A- Dyssynchronie interne :
Cette dyssynchronie interne comporte deux aspects principaux :
- l’un affecte le couple intelligence - psychomotricité,
- l’autre étant sur le registre intelligence - affectivité.
1. Dyssynchronie Intelligence - Psychomotricité
Les enfants sont souvent perçus comme assez maladroits, voire empotés mais peuvent montrer paradoxalement une capacité extrême lors d’activités les intéressant et exigeant une psychomotricité très fine. Cet aspect de la dyssynchronie entraîne souvent des difficultés scolaires lors des activités graphiques, surtout chez les garçons. En effet, les enfants vont fréquemment éprouver des difficultés au niveau de l’écriture et très mal vivre cette main qu’ils considèrent comme rudimentaire parce qu’incapable de suivre le rythme de la pensée.
L’enfant peut alors réagir par une volonté de contrôle, de maîtrise anxieuse conduisant à une hypertonie et à un tracé trop appuyé, tremblant, irrégulier. Parfois, le geste graphique se ralentit exagérément et si, le tracé s’en trouve amélioré, l’échec est encore à craindre car il ne peut plus, alors, suivre le rythme demandé. Il tolère plus ou moins longtemps cet échec, puis se réfugie dans des attitudes d’évitement et de refus. C’est ainsi que non seulement l’activité graphique, mais ensuite les acquisitions orthographiques (entraînant une dysorthographie), puis l’expression écrite qui en sont le prolongement sont contaminés par un investissement négatif élargi.
Dégoût, donc, devant toute nécessité d’écrire mais cependant, devant l’ordinateur, tout va beaucoup mieux. Par exemple, Benjamin, qui devant son écran faisait des merveilles, avait 20/20 sur des contrôles en forme de Q.C.M. et 0/20 dans la même matière quand il s’agissait d’écrire lors d’un devoir. Plus tard, dans sa scolarité, l’E.I.P. peut manifester de grandes facilités pour les mathématiques, mais rester médiocre en orthographe et en expression écrite.
Ainsi, on peut le constater, le niveau psychomoteur d’un enfant précoce apparaît davantage lié à son âge réel (voire un peu en retard) qu’à son âge mental. D’autre part, et toujours dans cette forme de dyssynchronie, une difficulté spécifique est à mettre en relation avec la rapidité de compréhension par écrit ou oralement.
En effet, souvent l’enfant comprend immédiatement et pense qu’il sait la leçon parce qu’il l’a comprise : cela jusqu’au moment où il doit la restituer par écrit ou oralement. C’est ainsi que des enfants moins brillants et qui ont besoin de faire un effort régulier d’attention et de mémoire sont plus aptes à obtenir de bonnes notes et la faveur des enseignants. Souvent, les enfants précoces répugnent, pour ce qui ne leur semble pas avoir assez de valeur, à utiliser leur mémoire dont ils possèdent cependant une grande capacité, plutôt qu’à faire l’effort de fixation nécessaire.
Alors, on dira qu’ils sont paresseux et qu’ils pourraient beaucoup mieux faire s’ils s’en donnaient les moyens.
On mettra en avant une absence de concentration parce que, le cours, très vite ou trop vite compris, les incitera à se transformer en trublions, en gêneurs, en taquins que certains peuvent prendre pour de l’indiscipline ou devenir de ” grands rêveurs ” vivant dans un monde qui leur appartient.
Mais tôt ou tard, ils payeront les conséquences de ne pas avoir été reconnus comme précoces plus jeunes et de ne pas avoir reçu les réponses éducatives et pédagogiques spécifiques, en devenant des élèves moyens - médiocres ou de bons cancres dont le désespoir se manifestera de différentes manières.
2. Dyssynchronie Intelligence - Affectivité
Cette part de leur dyssynchronie est sans doute celle qui interroge le plus les adultes quand il est question d’enfants intellectuellement précoces et pour laquelle il est fait référence à la fameuse IMMATURITE, source d’incompréhension majeure concernant ces enfants.
L’anxiété au quotidien ou les peurs de la nuit qui ne sont pas maîtrisables par le raisonnement ; on suppose que ces enfants dont on connaît, par ailleurs, la qualité de l’intelligence, devraient savoir se raisonner. Mais il n’en est rien et ils n’y peuvent rien.
Ils en sont les premiers extrêmement inquiets, ne pouvant trouver en eux les ressources qui leur assureraient une maîtrise ; en effet, leur esprit logique ne leur est là d’aucun secours.
Par compensation, face à ces angoisses, ils peuvent mettre en place des rituels que l’on peut prendre pour des manies. Tout étant question de mesure et tant que ces manies n’envahissent pas toute la vie quotidienne, elles ne doivent pas être cassées puisqu’elles sont une soupape à l’angoisse.
Certains parents et d’autres adultes ont des difficultés à accepter ces comportements dyssynchroniques : par exemple, les comportements - bébé que manifestent bon nombre de ces enfants paraissent, là encore, en contradiction avec leur capacité de raisonnement et la qualité de leur questionnement.
Mais dans la mesure où ces types de comportements sont constitutifs de leur personnalité, il ne faut pas essayer de les faire grandir plus vite dans ce domaine, car ils seraient contraints à développer une fausse maturité de façade et une frustration chronique.
De plus, faire appel à la raison, à l’intelligence ne pourrait être que source d’angoisse.
Par contre, nous les adultes, nous pouvons essayer de les aider à vivre au mieux cette dyssynchronie, par un accompagnement tolérant et respectueux.
Par exemple, M. DANTONY, directeur du collège de l’Immaculée Conception à Aubenas, qui a ouvert depuis septembre 1997 des classes spécifiques pour enfants intellectuellement précoces, a fait le constat, à l’internat, de la présence de peluches uniquement sur les lits des enfants précoces.
Accepter cela, sans en rire et sans en tirer de conclusions désobligeantes ou catégoriques, voilà, à mon sens ce qu’il faut faire.
En effet, ce décalage constaté ne saurait être comblé qu’au prix d ‘un renoncement à eux-mêmes. Ainsi il est illusoire de penser qu’en ralentissant artificiellement leur précocité intellectuelle, on parviendra à réduire ce décalage qui constitue l’originalité de leur développement.
Jean Claude GRUBAR, enseignant - chercheur à Lille III, a pu mettre en évidence, par ses travaux sur les structures du sommeil des enfants intellectuellement précoces, la co-existence au niveau du sommeil paradoxal d’indices d’immaturité et de sur - maturité.
Les enfants intellectuellement précoces présentent des taux de sommeil paradoxal supérieurs à ceux des enfants situés dans la tranche 90/110 au WISC III. En effet, ces taux sont très proches de ceux observés chez de jeunes enfants de 9 à 10 mois ( 26.39 % contre 21.83 % ).
Les enfants intellectuellement précoces conservent, grâce à cela, une plasticité cérébrale élevée, c’est à dire une plus grande réceptivité aux influences de l’environnement. Il s’agit là d’un indice d’immaturité.
D’autre part, ces caractéristiques juvéniles sont associées à une sur - maturité du rapport des fréquences oculomotrices (1.44 contre 0.82).
Les valeurs du rapport des fréquences oculomotrices recueillies chez les enfants précoces sont celles habituellement observées chez les adultes. Cet indice permet de rendre compte des capacités à organiser, pendant le sommeil paradoxal, les informations stockées lors de l’activité du sujet. De ce point de vue, ces enfants apparaissent comme des sur - matures.
B- DYSSYNCHRONIE SOCIALE
1. Par rapport à l’école
Au fil des années, les aptitudes des enfants précoces peuvent être détériorées, si on leur interdit d’aller à leur vitesse ou si on ne respecte pas leur mode de fonctionnement.
Si on prend l’exemple d’une voiture de F1 que l’on contraindrait, sur des centaines de Km, à rouler à la vitesse d’une 2CV, les dégâts seraient considérables et irréparables.
Et si un jour, les fabricants de vêtements décidaient de ne produire que des tailles 40 sous prétexte que cela correspond à une meilleure gestion de leurs stocks et que c’est la taille la plus vendue au plus grand nombre, on pourrait imaginer le désarroi et la souffrance d’une importante partie de la population.
En réaction à une telle situation, l’enfant va tendre à mettre son esprit en état de dyssynchronie par rapport à l’environnement scolaire.
C’est à dire qu’il se montrera distrait pour se défendre contre l’ennui engendré par une stimulation aussi peu ambitieuse. Il n’éprouvera de réelles satisfactions qu’en se concentrant sur des activités qu’il jugera suffisamment difficiles et intéressantes, mais qu’il fera le plus souvent chez lui.
L’école ou l’environnement direct n’ayant pas répondu à ses attentes, il en arrivera à se dire que l’école, entre autres, ne mérite pas ses efforts.
Aussi, certains enfants avouent que les notes qu’ils reçoivent sont, en fait, celles qu’ils attribuent à la qualité des enseignants ou à l’intérêt qu’a suscité le cours.
On peut donc voir des enfants, dans la même matière, obtenir le pire comme le meilleur et avoir, ainsi, des résultats en dents de scie.
Cependant, à terme, tout ceci contribuera à la constitution d’inhibitions intellectuelles pouvant, dans bien des cas, aboutir à des ” anorexies intellectuelles ” que le Dr Alain GAUVRIT a bien étudiées depuis 15 ans en tant que psychiatre à l’Institut Beaulieu de Salies de Béarn. On lira avec profit un article, écrit par lui, dans ” L’information Psychiatrique ” n° 2 (février 1991) et intitulé L’inhibition intellectuelle chez l’enfant précoce : se défendre ou s’interdire.
2. Par rapport aux parents
Les enfants précoces se posent très tôt et de façon constante ce que l’on peut appeler ” Le problème des limites ” : limites de la vie (le mystère de la naissance, de la fatalité de la mort, de la vie ou non de l’esprit après la mort, de la croyance ou non de Dieu), limites du temps (Origine et fin du monde, astronomie, préhistoire), limites de l’univers et solitude de l’Homme face à l’infiniment grand, mais aussi fascination pour l’infiniment petit.
Ces questions précises et souvent d’ordre métaphysique exprimées dès l’âge précoce de 3-4 ans contribuent à l’inquiétude des parents, les éloignent des autres enfants qui ne les comprennent pas et les prennent parfois pour des dérangés.
Cet isolement conduit les parents à s’interroger sans parvenir à aider l’enfant, ne sachant pas le plus souvent eux-mêmes que celui-ci est précoce.
D’autre part, certains parents peuvent être si fascinés par un enfant qui, très jeune, saura discuter et argumenter qu’ils finissent par le considérer comme un adulte. Ils n’oseront plus faire preuve d’autorité et lui fixer, comme aux autres enfants, des limites.
C’est ainsi que ces troubles du système éducatif parental peuvent conduire à des difficultés sur le plan relationnel aussi bien avec la famille qu’avec l’environnement scolaire.
En effet, la précocité n’explique pas tout et elle n’excuse pas tout.
Pour les mêmes raisons, ils s’autoriseront moins spontanément les câlins, alors que ces enfants ont grand besoin de marques d’affection et d’être rassurés. Tout cela parce que leur grande capacité de raisonnement les fait ressembler parfois à des adultes au point que l’on peut arriver à oublier qu’ils ne sont que des enfants. Les parents peuvent être enclins, du fait de la précocité de compréhension et d’analyse de leur enfant, à les faire participer à leurs problèmes au delà de ce qui est supportable à leur âge. Les enfants précoces perçoivent très tôt et de façon très fine les limites, les petitesses, les failles des adultes.
Ne sachant pas comment les gérer affectivement, ces découvertes, ces informations deviennent pour eux sources d’angoisse et d’inquiétude. Dans le même ordre d’idée et du fait de leur capacité de perception, d’analyse, les enfants précoces sont loin d’idéaliser l’image des parents et notamment celle du père; c’est ainsi que ceux-ci n’étant pas vécus comme tout-puissants ne peuvent jouer leur rôle protecteur et rassurant. Ceci provient du fait que les enfants précoces, dès le plus jeune âge, présentent des caractéristiques qui les apparentent à des adolescents. Ils savent manier la remise en question et la critique à l’égard de leurs parents pour les juger très sévèrement, comme savent le faire les adolescents.
Mais les enfants précoces le font à leur manière, c’est à dire de façon très intellectualisée et se retrouvent intérieurement désespérément seuls, sans protection à cause de cette difficulté à refréner leur capacité sur - dimensionnée de jugement et d’analyse.
Par conséquent, ils auront tendance à se recroqueviller pour essayer de trouver en eux les moyens de se rassurer, de se protéger et de grandir. Le Pr. Philippe MAZET, chef de service de Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de Bobigny, dit des enfants précoces : ” Ils se font seuls et donc se sentent seuls. D’où parfois des angoisses dépressives fortes ”.
Pour éviter de les faire apparaître comme des êtres sans cœur, ce qu’ils ne sont pas, il est nécessaire d’ajouter que ce que j’appelle leur faculté sur - dimensionnée de jugement et d’analyse, ils savent se l’appliquer à eux-mêmes en toute lucidité, ce qui les amène, malheureusement, à élaborer une image d’eux-mêmes relativement dévalorisée.
Cette capacité d’intellectualisation à outrance des enfants précoces mériterait d’être étudiée en la mettant en parallèle avec les angoisses à caractère dépressif que ces enfants ont tendance à développer plus que les autres et ce à un très jeune âge.
Pour ce qui est de cet aspect d’image d’eux-mêmes et d’image parentale dévalorisées, on peut faire référence à la récente thèse de doctorat en psychologie de Véronique DUFOUR qui a mis en évidence la fréquence anormalement élevée de ce phénomène chez les enfants précoces en comparant pour son étude deux groupes d’enfants, placés en institution pour troubles du comportement et difficultés scolaires, testés pour les uns entre 130 et 140 de Q.I au WISC III et pour les autres autour de 100, c’est à dire la moyenne.
Pour cet auteur, certains enfants intellectuellement précoces manifestent des comportements d’échec ou d’évitement face à l’entreprise, et cela beaucoup plus que les enfants d’intelligence moyenne dont les situations scolaires sont cependant moins bonnes et les situations d’inadaptation aussi graves. Il s’agirait d’aider l’enfant d’intelligence moyenne à mieux ou à bien faire, alors que l’enfant précoce devra être encouragé à commencer à faire, donc à investir l’acte, ce qui laisse envisager des conduites éducatives d’un autre type.
3. Par rapport aux autres enfants
Ils cherchent, le plus souvent, à avoir des amis plus âgés qu’eux avec lesquels ils peuvent engager un dialogue qu’ils jugent plus intéressant. De même qu’ils recherchent beaucoup la compagnie des adultes, desquels ils pensent être mieux compris.
Si de telles conditions sont difficilement remplies en milieu scolaire, ils se montreront solitaires, se mêlant peu aux jeux des camarades qui, de ce fait, vont les remarquer et mettre en place une stratégie de taquineries conduisant, parfois, à de réelles persécutions.
D’autres, pour ne pas risquer ce cas de figure, vont renoncer à ce qui fait leur originalité et leur spécificité et préfèreront être copains avec tout le monde mais amis avec personne dans un papillonnement moins dangereux. Cependant intérieurement mais à leur insu, ils sauront le sacrifice douloureux qu’il leur a fallu accepter.
C- LES RECONNAITRE
Déjà, au travers de mes propos, vous avez pu déceler quelques signes qui permettent de faire l’hypothèse d’une précocité intellectuelle chez un enfant.
Mais on peut ajouter :
- Ils manifestent, dès le plus jeune âge, une indépendance d’esprit et un esprit d’indépendance ainsi qu’une tendance à être un tant soit peu entêtés.
- Ils ont tendance au refus de toute compromission et à se comporter de manière trop rapidement qualifiée de peu adaptée.
Pour les enseignants, cette attitude est souvent inconfortable et constitue une des raisons possibles d’évaluation erronée des facultés intellectuelles de bon nombre de ces enfants. En effet, les enseignants, plusieurs études donnent un résultat concordant, parviendraient seulement à identifier moins de la moitié des enfants précoces puisqu’ils se fondent le plus souvent sur des critères de réussite scolaire et de sociabilité. Ceci peut s’inverser si les enseignants reçoivent une formation sur les caractéristiques de la précocité.
- Les travaux de routine ou les obligations routinières les ennuient rapidement.
- Ils se montrent perfectionnistes dans les domaines qui les intéressent et travaillent, dans ce cas, de manière indépendante et en autodidactes.
- Ils manient la critique que beaucoup prennent pour de l’insolence ou de l’arrogance. Mais aussi une autocritique sévère et très déstabilisante que l’on peut constater par leur propension à se dire nuls ou à le penser.
- Ils sont très observateurs, jusqu’à se rendre compte, comme le disait un petit garçon de 4 ans, d’une personne avec laquelle il avait parlé, que ” ses yeux ne disent pas pareil que sa bouche ”.
- Ils posent constamment des questions sur tous les sujets possibles, mais ne se contentent pas d’une réponse banale, et veulent approfondir jusqu’à lasser l’autre.
- Ils ne mettent que rarement leurs opinions dans leur poche et en général elles sont très tranchées.
- Ils veulent souvent avoir le dernier mot, et ce très jeune, ou par l’usage de nombreux arguments avoir raison ; c’est ainsi qu’ils manifestent de grandes capacités à une certaine forme de manipulation.
- Ils savent prendre des risques dans un devoir en proposant des solutions nouvelles mais parfois plus longues ou compliquées parce que celles attendues leur paraissent trop simples.
- Ils montrent un sens prononcé de l’humour mais sont très atteints par l’ironie. Ils ont, d’autre part, de la peine à supporter les comportements puérils qui n’ont rien à voir avec l’humour.
- Ils peuvent avoir un débit langagier, soit très rapide, soit presque inaudible.
- Ils se préoccupent beaucoup de concepts tels que justice-injustice et sont prêts à s’engager contre les ” autorités ”.
- Ils ne se rallient pas à tout prix à la majorité.
- Ce sont des êtres singuliers, à la personnalité fortement marquée dès le plus jeune âge.
- Ils sont hypersensibles et hyperémotifs ; ceci est constitutif de leur personnalité.
- Ce qui les caractérise aussi, c’est l’excès en tout, soit Ange ou Démon, soit Tout ou Rien ; ils ne sont jamais dans la tiédeur mais plutôt dans le ” j’adore ou je déteste ”.
- Ils semblent se montrer plus ” difficiles ”, pour leur environnement que la plupart des enfants, plus exigeants dans leurs désirs ou leur demande affective, plus obstinés, plus angoissés dans leur vie intérieure mais aussi plus vulnérables.
On a tendance à les percevoir comme des enfants ” à problèmes ”, simplement parce qu’ils sont des déviants par rapport à la norme.
- Les enseignants les décrivent, soit comme des enfants peu actifs, repliés sur eux-mêmes, inconsistants et rêveurs à l’excès, soit au contraire comme hyperactifs, poseurs, hostiles, d’humeur changeante, provocateurs, agressifs et de contacts difficiles.
- Ils peuvent manifester un conformisme excessif pour se faire oublier dans un esprit de renoncement, du fait d’une trop grande sensibilité à l’échec, ou d’un sentiment d’infériorité.
- L’enfant précoce en souffrance à tendance à somatiser et à laisser parler son corps à l’excès ; eczéma, plaques rouges, maux de ventre quasi permanents, bégaiements, tics, maux de tête intempestifs et longs, l’asthme est également relativement fréquent chez eux.
Ceci prend d’autant plus de proportion que l’enfant n’est pas reconnu comme précoce ou que son entourage l’a laissé dans l’ignorance.
- De près de la moitié d’entre eux, on dit qu’ils sont dispersés, superficiels et dans l’incapacité d’approfondir les acquisitions faites à l’école. Pour répondre à ces critiques, il est nécessaire que chacun s’arrête pour les interroger sur leurs centres d’intérêt et là, ils pourront se montrer intarissables et laisser entrevoir la profondeur et la densité de leurs connaissances. Cet aspect de leur démarche intellectuelle est à prendre en compte dans une perspective pédagogique.
- Ils ont tendance à s’appliquer à eux-mêmes, ainsi qu’aux évènements de leur vie et à leurs propres faiblesses, une faculté d’analyse claire et précise. Ayant des idéaux et des exigences élevés, ils sont portés à émettre sur eux et sur les autres un jugement sévère et dépourvu d’indulgence.
- Ils peuvent être soumis à l’emprise de la dépression et ce dès le plus jeune âge.
C’est ainsi qu’ils disent très, trop souvent, ” Je suis nul ! ”.
A tel point que j’ai connu un enfant précoce de 6ème qui, rentrant chez lui après l’école, s’enfermait dans un cercle constitué de petits papiers sur lesquels était écrit ” Je suis nul ! Puisque les autres me le disent, c’est que je suis nul ”.
Une autre enfant de 4 ans qui, à la question de sa maman cherchant à savoir pourquoi elle était triste, lui répondit ” Comment veux-tu que je sois gaie, je ne sais pas qui je suis ! ”.
- D’autre part, une sous-exploitation permanente des capacités intellectuelles chez les enfants précoces peut avoir les mêmes effets catastrophiques, en terme de dépression qu’une constante exploitation excessive et abusive pour les autres enfants.
- Aussi, les risques majeurs, liés à un ennui très profond, sont d’une part le désir manifesté ou verbalisé de disparaître, de mourir et d’autre part, la recherche désespérée d’avoir eux aussi un ami ; comme LAUTREAMONT disait : ” Je cherchais un ami qui me ressemblât ”.
Ils sont obsédés, pour un grand nombre d’entre eux, par le constat que se lier d’amitié semble très facile pour tous les enfants sauf pour eux ; aussi, ils sont dans l’incapacité de comprendre de quoi ils sont coupables pour mériter une telle sanction. Ils cherchent de la logique là où il n’y a que du comportement humain.
Ceci est la première cause d’inquiétude des parents que nous rencontrons au sein de l’association, mais ce sentiment est d’autant plus grave que les enfants qui ne sont pas reconnus comme précoces et donc mal aidés du fait d’une mauvaise interprétation du malaise.
- Ils sollicitent beaucoup l’attention de leurs parents à tel point qu’ils sont vécus comme épuisants, voire vampirisants. Il en est de même pour les adultes de leur environnement scolaire ou social.
- Ils sont en grande demande affective avec réclamations incessantes de preuves d’amour des parents ou de l’affection de leur entourage.
Ils ont tendance, de ce fait, à penser, quand ceux-ci ne peuvent se rendre disponibles ou se montrent impatients ou les réprimandent, qu’ils ne sont plus aimés, ni appréciés.
Certains enfants jeunes ou adolescents paraissent ” scotchés ” à leur mère.
- Cependant, à l’opposée, certains enfants intellectuellement précoces mettent en place un contrôle sévère de leurs besoins affectifs, parfois à l’incitation d’un entourage qui supporte mal la dyssynchronie Intelligence - affectivité.
- Souvent, quand ils sont les aînés d’une fratrie, ils ne comprennent pas pourquoi leurs parents ont éprouvé le besoin de leur ” faire ” des frères et sœurs. Ils semblent s’estimer propriétaires de leurs parents et sont, donc, très possessifs. Il est à remarquer que les aînés n’ont pas l’apanage de la possessivité quand il y a d’autres enfants précoces dans la fratrie.
- Généralement, ils n’acceptent pas l’idée que des parents puissent aimer tous leurs enfants de la même manière. Il y a, pour eux, quelque chose d’incohérent, d’illogique dans ce phénomène.
Pour poursuivre sur la question des aînés, il peut assez souvent arriver qu’ils se mettent en état d’inhibition intellectuelle tant ils sont impressionnés par les qualités intellectuelles de leurs cadets et pensent, de ce fait, qu’ils ont tout perdu à cause de ces naissances : à savoir, le monopole des parents, leur place, leur vivacité d’esprit dans la mesure où celle de leurs cadets leur paraît davantage louée que la leur.
C’est ainsi qu’ils se mettent à renoncer et à s’enfoncer dans la culpabilité d’avoir eu des pensées aussi négatives. Tout ceci se faisant, évidemment, en dehors de la conscience, ils seront, des enfants gentils ou agressifs mais dont on n’attend plus d’étincelles.
Ces derniers aspects sont souvent retenus, par les professionnels intervenant auprès d’enfants, pour évoquer ce qu’ils appellent de l’immaturité. Rappelons-nous, comme nous l’avons vu plus haut, que ceci n’a rien à voir avec la maturité ou l’immaturité, mais avec leur dyssynchronie intelligence - affectivité, et qu’elle est constitutive de leur personnalité.
- L’âge de 6 ans et du C.P. est souvent, le moment de la survenue de tics et de bégaiements, surgissant par malaise de ne pas recevoir ce à quoi ils s’attendaient, en terme d’apport de connaissances et de compréhension de la part de l’environnement scolaire.
Mais ces comportements disparaissent assez rapidement dès qu’ils sont reconnus comme précoces par leur entourage, qu’ils l’apprennent et sont aidés spécifiquement, et ce si possible le plus tôt dans leur développement.
- Ils s’intéressent à de multiples sujets tels que l’informatique, l’histoire, l’histoire de l’art, la préhistoire, la biologie, la mythologie ; mais toutes ces connaissances ne seront pas toujours restituées à l’école dans la mesure où ils ont dépassé, par passion personnelle, le niveau d’exigence de l’enseignant.
- Quand à l’écriture, elle est qualifiée d’illisible, ou dans le meilleur des cas, de laide mais lisible. On voit que les bonnes notes en écriture ne peuvent pas être pour eux.
- On trouve un très grand nombre de gauchers parmi les précoces, ce qui est à interroger et à étudier. En effet, ce pourcentage probable est sans commune mesure avec celui des gauchers dans la population générale. Un travail statistique est en cours, mais le pourcentage estimé serait d’environ 40 à 50%.
Les membres de l’Association MENSA ont fait le même constat auprès de leurs adhérents (Association à laquelle on ne peut adhérer que si les tests révèlent un Q.I. supérieur à 135).
- Le taux de dyslexie présent chez un moins grand nombre d’enfants serait d’environ 30 % (ceci est encore à l’étude) et concernerait davantage les garçons, précoces ou non. Il n’est, cependant, pas à négliger, du fait, là aussi, d’un nombre anormalement élevé par rapport à la population générale.
Le fait demeure encore à l’étude. On se reportera aux travaux de Pr. HABIB dans son ouvrage Dyslexie : le cerveau singulier, pour connaître l’état de la recherche sur la question de la dyslexie.
- Enfin la qualité de leur regard, mobile, scrutateur, qui donne à tout instant le sentiment de jauger l’autre afin d’évaluer s’il et digne de confiance. Ceci aussi peut être pris pour de l’impertinence.
CONCLUSION
Il me semble utile, nécessaire, indispensable d’aller à la rencontre des enfants précoces afin de les écouter, de leur parler et d’être touchés par leur différence qu’ils manifestent un peu maladroitement peut-être, mais qui, cependant, est quelque fois lourde à vivre.
Ne les laissons pas ” mourir ” d’ennui et se noyer eux-mêmes, au sens propre comme au figuré, en adoptant des conduites destructrices de leurs capacités ou en se comportant de manière autodestructrice comme des ” hors la règle ”.
Ils ont besoin de notre soutien et pour les préserver, le dépistage doit être entrepris dès le plus jeune âge. C’est à cette condition que les parents et tous les adultes qui les entourent pourront répondre au mieux à leurs besoins.
La précocité intellectuelle n’est pas seulement une affaire de performances, comme les médias ont trop tendance à vouloir le montrer, mais que c’est, surtout, un état d’esprit, une manière particulière d’interroger le monde ainsi qu’une façon spécifique de se positionner dans la société.
Cette originalité n’en est pas moins respectable puisqu’elle est un des éléments de la diversité et de la richesse humaine.