Maurice Hurni et Giovanna Stoll ont su décrire sans complaisance mais avec la rigueur de l’esprit clinique et la précision de l’esprit scientifique le monde dérangeant de la perversion relationnelle. Cette perversion morale et narcissique est :
–la suprématie sur l’autre pour se garantir à son détriment, mais aussi
–la destruction progressive de l’autre pour exister à ses dépens.
L’enjeu de cette perversion est l’existence : sur-exister chacun aux dépends de l’autre parce qu’ils n’ont jamais guéri de la souffrance non reconnue d’avoir jadis sous-existé.
Les manœuvres perverses se comprennent en termes de haine, déni, disqualification.
On ne joue pas au jeu de la perversion si on n’a pas soi même des dispositions mais on risque d’en souffrir. La haine de l’amour c’est la haine de tout ce qui fait dépendre d’autrui, désirer le plaisir avec, par et pour l’objet. L’amour existe en négatif et c’est un combat d’enfance que se livrent ces adultes. L’abusé d’hier devient l’abuseur d’aujourd’hui. La confiance de base et l’alliance narcissique leur ayant manqué, ils se sont construits sur la méfiance et la haine du désir. Ils n’ont pas reçu d’amour et se sont battis avec la haine. C’est une face cachée des relations humaines qui est décrite mais elle existe. L’amour cède la place à la haine, à l’amour de la haine.
Y a-t-il un remède à ce mal ? OUI la découverte de l’amour
Les auteurs ont réfléchi sur le fonctionnement des couples qui consultent car c’est dans la relation que s’exerce la communication perverse qui n’est pas un pont entre 2 individus qui tentent de se comprendre et se rejoindre par le langage, mais plutôt un outil qui va permettre à l’un des 2 de dominer habilement l’autre, de se l’attacher, se l’assujettir et éventuellement le détruire. Le choix de la personne ne s’est pas fait au hasard. Dans toute relation perverse il y a proéminence de l’argent obsessionnel. Il est au service de la séduction, de l’emprise, du chantage et du dénigrement de l’autre. Pour le pervers il représente le substitut de la relation humaine qui lui est étrangère. L’habileté du faible à utiliser cette position pour en tirer avantage dans la lutte de domination détermine dès le début de la relation la dynamique perverse.
La rencontre obéit à une dynamique destructrice, capture d’un autre comme d’un Objet dont les contre attaques vont servir d’attaches. Le Lien est fondé sur le déni de la relation humaine. Le partenaire passif a sa part de sadisme, masqué par son appétence à se mettre à la disposition de l’autre, à s’offrir à la gouverne de son partenaire, à abandonner tout contrôle sur soi au bénéfice de l’autre. Le pouvoir est du côté du désir de l’autre.
Je me fais l’esclave d’un maître car il est celui dont je peux combler le désir, être reconnu en échange du prix de ma liberté, je reçois la complétude à laquelle j’aspire.
Le pervers n’a pas de sollicitude pour la souffrance de l’autre ni peine, ni affects.
Il crée un lien de dépendance en attaquant l’intégrité narcissique de l’autre qui aboutit à la destruction de son espace psychique. Privé d’autonomie et d’existence propre, l’autre est réduit à une chose. La relation lui est une occasion d’expulser son sentiment intérieur de dévalorisation narcissique dans le psychisme de son partenaire qu’il méprise. Cela permet sa mégalomanie, méprisant tout ce qui touche l’autre, toute attache dont il veut se débarrasser pour mieux utiliser sa proie.
La peur suscitée par la menace de séparation sert de support à ce jeu pervers.
La violence est subtile, masquée (chantage, pressions, menaces voilées, intimidation)
Il vise à détruire tout ce qui s’oppose à ses desseins, comme un ennemi à éliminer.
La tension agressive tend à la destruction de l’autre par son assujettissement et sa déprédation fondée sur le pouvoir et la domination. L’altérité est une menace, pas un enrichissement ni une complémentarité. Pour être adéquate, la « Victime » doit s’opposer à son « Bourreau » car domination et résistance sont les 2 temps du scénario pervers. Le contrat du couple pervers est « jeu et violence » soudés l’un à l’autre dans ce lieu de dépendance réciproque, les partenaires sont à la merci des circonstances extérieures ou d’une évolution qui affaiblirait la perversion narcissique. Chaque mouvement ou geste entraîne une réplique chez l’autre. Quand l’un des 2 exprime une souffrance ou un désir authentique, l’autre agresse, blesse, humilie ou fait diversion. Cette « remise à l’ordre » manifeste l’essence de la perversion qui vise la destruction de la vie ou des mouvements vitaux.
J’ai trouvé ce livre intéressant car il ose parler de la difficulté de communication dans le couple, des luttes de pouvoir et de la perversion qui peut s’installer subrepticement.
Source : www.analyse-integrative-re.com